Spectacle Ezalazala

 

Personne n’a le moindre sou pour acheter quoi que ce soit, mais peu importe, on fera la fête quand même !
Si on avait de l’argent, on pourrait payer le loyer, en donner aux parents, aux femmes, aux enfants, on pourrait acheter des matériaux pour peindre, des machines à coudre et à broder, des habits, et pourquoi pas, monter un commerce de poulets à crédit ! Mais tant pis, on se régalera de mots ! Venez, il y en aura pour tout le monde !
On vous a préparé des patates douces, du manioc, du foufou, du riz, des bananes plantain. On a mijoté des sauces avec des tomates, des oignons, du céleri, de l’ail, du laurier, de la muscade, une goutte de bière Primus et de l’arôme Maggi, sans oublier le piment, bien sûr. On a fait cuire un mouton entier, griller de la vache et du porc. On a préparé les braises, les bidons de djino maïs pour les hommes, l’aguene pour les vieux, les calebasses de lounguila pour les oncles, la tsamba et la sangria, et des jus pour les enfants. Chançard a invité Daniel, qui fait de la reliure avec lui, chez les pères jésuites, un ancien « schegue » un enfant de la rue comme lui, le Père Jacques est là aussi. Sans lui, Chançard serait peut-être mort. Clarisse est vêtue d’une longue robe rouge imprimée de fleurs blanches, bien serrée aux hanches et qui s’évase en larges plis à partir des genoux, elle a invité son amie Mazé, qui est venue avec son bébé. Fanny est accompagnée de Trésor, elle porte une robe sans manches d’un bel orange vif qui suit les courbes de son buste et s’élargit en plis souples sous la taille. Alain a amené Sandrine.
Sentez l’odeur des feuilles de manioc que l’on pile, celle des poissons et des viandes grillées. Et celle du piment qu’on écrase. Voilà que l’eau vous vient à la bouche tandis que les bananes rissolent. L’odeur de plastique brûlé qui flotte dans les rues de Kinshasa est recouverte,
engloutie, oubliée !
Voyez sur les murs de la cour les tableaux de sable dessinés par Justin d’une main sûre. Ils représentent des masques, des instruments de musique ou des silhouettes de danseuses.
Et maintenant, installez-vous, le spectacle ezala zala va commencer !
Regardez nos marionnettes comme elles sont belles ! Regardez comme elles dansent !
Ça c’est la couturière. C’est la meilleure couturière du pays. Voyezl’atelier dont elle est responsable !
Ça c’est un artiste, un grand artiste. Son nom figure dans toutes les encyclopédies. Eh oui ; c’est Justin !
Voici le boxeur, il a gagné beaucoup d’argent et maintenant il reprend ses études. Il veut sortir licencié de la faculté.
Et cette marionnette-ci, c’est un enfant. Il a huit ans, il vit chez son oncle paternel. Un matin, le diable sait pourquoi, son cousin qui est un peu plus vieux que lui, le roue de coups pour lui faire avouer qu’il est sorcier.
Regardez comme elle est drôle cette petite marionnette qui avoue tout ce qu’on veut sous les coups !
Comme il rit, Chançard, en regardant le spectacle ! Vous ne riez pas ?
Regardez, on le frappe, il avoue. Comme on le manipule bien avec les ficelles. Ici, là, chez la tante maternelle, chez l’oncle paternel. Allez, retour, à pied, en car, et encore, hoplà ! Même son père finit par croire que peut-être son fils est sorcier. On l’exorcise. On lui bande les yeux, on lui fait couler de la cire chaude sur le crâne… Est-ce que son grand frère n’est pas un sorcier lui aussi ? Si, si. On les fouette, on les mord, on les torture. La petite marionnette avoue, le grand frère résiste.
C’est un long spectacle. La marionnette s’enfuit de la résidence présidentielle de Mobutu de N’sele où elle a été emprisonnée dans la section des moyens. Les petits ont 1 à 7ans, les adultes commencent à 18 ans.
Ne partez pas, le spectacle n’est pas fini !
Nous vous raconterons l’histoire du lion – ya n’tamboe - et du mouton, et celle de Demukalinga. Clarisse vous dira comment elle a rencontré Mazé en allant acheter du poisson, et Fanny vous expliquera pourquoi elle a une petite cicatrice au dessus de l’oeil.
On vous emmènera au marché Wenze ya Ngaba. On vous fera goûter les litongues sucrées salées et les chenilles séchées.
Mais il est déjà 18h et la nuit tombe.
Bon…
Fanny, Clarisse, Alain, Chançard, Justin et Marie-Florence Ehret, assistée de Tembro Bisalu Nono et Valentine Lessenge

 

Leitura Furiosa est organisée par le Cardan en collaboration avec la Maison de la Culture d'Amiens, la Compagnie Chamboule Touthéâtre, le Musée Serralves - Porto, la Compagnie Art Tout Chaud, l'Espace Masolo - Kinshasa, la librairie Pages d'Encre et la librairie du Labyrinthe.
Leitura Furiosa est financée par le Centre National du Livre, le Conseil Régional de Picardie, le Conseil Général de la Somme, la DRAC de Picardie, l'ACSÈ, la Caisse d'Épargne de Picardie et d'Amiens Métropole. Nous remercions le contribuable. Leitura Furiosa, c'est gratuit.


 

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