Comment es-tu devenu(e)
auteur jeunesse ? Est-ce une vocation ? Un hasard ?... Ma
réponse risque dêtre un peu banal : comme beaucoup dautres,
jai écrit mon premier livre « jeunesse » pour mon fils.
Ce gamin obstiné à repousser dédaigneusement tous les livres
que je lui proposais mexaspérait, me désespérait, et
en plus il avait lair de se ficher de moi et je nétais pas
tout à fait sûr quil ait tort. Un jour où je lavais
attrapé par le col et secoué pour faire tomber de cet arbuste malingre
un fruit de vérité en lui demandant : « Mais quest-ce
qui tintéresse ????? » il ma répondu dun
air provocant il avait 12 ans « Moi, ya quun truc
qui mintéresse, cest les histoires damour avec des enfants!
» Alors jai écrit A cloche-cur. Sil mavait
répondu le foot jaurais écrit lhistoire dun champion
de foot, mais bon, il ma dit lamour alors, je lui ai offert la fille
de mes rêves, ou de ses rêves, je ne sais pas, parce que pour écrire
ce livre je me suis mise à sa place, et jai compris des tas de choses
sur les filles, lécole, les parents, qui nous ont été
très utiles par la suite, dans lévolution de notre relation.
Alors, appelleras-tu ça hasard ou nécessité ? Cétait
un jeu, un défi, un « chiche que
» Chiche que jécrirai
pour toi, pour que tu aies envie de lire, toi
Il doit y en avoir beaucoup
comme lui car ce livre a toujours des lecteurs 10 ans après sa publication. A
tes yeux, quest-ce qui caractérise un texte jeunesse
? ( Son écriture ? Ses thèmes ? Son vocabulaire ?... etc. ) Lamour,
la rencontre amoureuse, la peur et lattirance envers lautre
ne sont pas de thèmes spécifiquement jeunesse, cest sans doute
la façon de les traiter, lâge des personnages qui fait la différence,
quoiquun roman jeunesse pourrait (dans labstrait) ne pas compter de
personnages de lâge des lecteurs
Jévite en jeunesse
les phrases longues dont jaime pourtant le mouvement sinueux, mais difficile
à suivre par des lecteurs quune longue pratique na pas encore
aguerris. Il sagit aussi de maintenir lintérêt du lecteur
par un certain suspens, une tension narrative, et javoue avoir quelque difficulté
parfois à me soumettre à cette contrainte. Mais je crois quen
jeunesse comme en poésie, il faut privilégier une langue directe
et joyeuse, efficace, qui ne dissèque ni nanalyse ce dont elle parle,
une langue parlée, modulée entre les niveaux familiers et relevés,
entre dialogue et narration, une langue riche et vive. Pas question de se réduire
à un vocabulaire limité, un livre est une occasion de rencontrer
des mots nouveaux, des amis nouveaux, il faut seulement sarranger pour faire
les présentations à lintérieur même du texte.
(Jaime les dictionnaires, mais je naime pas les livres quil
faut lire avec un dictionnaire à la main) A partir dune douzaine
dannées, un bon lecteur est susceptible de sintéresser
à lensemble de la littérature, pour les plus jeunes, les moins
expérimentés, le texte se montrera plus aéré, pas
trop long, il offrira des repères clairs, aidera lenfant à
mieux connaître le monde sans le mettre devant des problématiques,
des responsabilités, des angoisses qui ne sont pas les siennes, mais les
nôtres. Lenfance est un monde immense, auquel la peur, la colère
et tous les sentiments terribles qui nous dévastent ne sont pas étrangers,
les livres peuvent et doivent les aider à les surmonter, par déplacements,
identifications et partages. Il faut rendre ces mouvements possibles
mais
je me suis éloignée du sujet ! Marie-Florence
Ehret automne 2002 |