Quelques poemes

 

Dans le métro

 

République


Le métro ne repart pas

un bruit rauque incongru

inquiète l'enfant

- C'est rien dit la mère


c'est peut-être un éléphant qui de sa trompe

énorme tente de nous aspirer…

c'est sûrement un énorme éléphant


- c'est rien, dit la mère, c'est fini…



Barbès

 

Au carrefour à Barbès

l'enfant noir passe

au milieu des passants

imitant la démarche

d'un enfant noir

qui marcherait

au milieu des passants

bien calé entre

sa casquette et ses baskets

Abbesses

Monté à Abbesses

L'enfant édenté

roule la rime

jusqu'à St Georges

enfourche rhinocéros

et pantalon

pour atteindre

Notre-Dame de Lorette

 

pour magazine

le voisin propose usine

et la voisine

clémentine

L'enfant descend à Madeleine

Concorde et Assemblée Nationale

défilent en silence

 

D'où je viens

 

De la terre et des trottoirs

des gratte-ciel et des flaques

des marais et du sel

des feux couchants et des soleils d'artifices

du ciel pâle et de l'azur intense

de la pluie et du soleil

des châtaigniers et des platanes

des marronniers et des sapins

des saules et des oliviers

faite de thym et de bitume

de cresson et de silences

de lavande et de macadam

d'oseille et d'hirondelles

de martinets de pigeons de moineaux

de dindes de poules

d'oie blanche

de paon

faite de lin et de tournesol

de géranium et de lilas

de papier et de goudron

de néons et de mots remâchés

de mensonges et d'oublis


Haïkus des quatre saisons


Lumière d’hiver

Le ciel s’échauffe

Lumière de printemps


Dans le couloir du métro

Il reste debout

Celui qui vend des plumes de paon


Fleurs en pots fleurs coupées

Dans le métro

Déjeuner du dimanche


Oh ! des arbres

Un ruisseau

Et le vol plané d’un oiseau


La ville quittée

Les yeux courent au loin

Petits chevreaux détachés du piquet


Une branche

Traits noirs

Sur la nuit blanche


Le vent souffle

Le feu craque

La terre tourne en silence


La pluie a rempli la marmite

Sur la vitre

Le reflet du soleil trahit le vent


Dans l’épaisseur de l’air

Les oiseaux qui chantent

N’expliquent rien


Fleurs de catalpa

Sur la place

Aux arbres les premières feuilles


Dans la cuvette d’eau savonneuse

Il s’est noyé

Le cafard


Le goût des huîtres

est jeune

Dans la bouche de la vieille femme



Au plus léger vent

Comme elle palpite, la lumière

Dans les feuilles du peuplier


Un poisson couché dans l’oseille

Ce repas

Nous l’avons partagé au soleil


De Malaisie

J’ai reçu une carte

Mer de Chine tiède


La pente allège le pas

Promeneur allègre

Dans l’air enchanté d’oiseaux


La rose pâlie

Après la soif et la nuit

S’affaisse


Dans la maison inhabitée

La mousse sur le mur

Beauté pour les yeux


Petites crêtes de sable durci

Dans la lumière d’argent

Au pays des dunes


Saoulée de soleil

Se lever est difficile

L’eau froide m’étourdit


Entre ciel et trottoir

Le théâtre

Miroir du temps


Un relief planétaire

En miniature

Reflux de la marée


Sur la vitre de la voiture

le givre a dessiné

un rideau de dentelle


La porte ferme mal

le bois a gonflé

humidité d’automne


Goutte à goutte

la glace fond

soleil du matin



Nouveaux Haikus


Large et long et lumineux

Le fleuve offre sa perte brumeuse

Au pont qui le traverse


Toute petite au milieu des champs

La route

Un serpent gris


A la fin du printemps

La fourrure de la forêt

Epaisse et verte

 

 

Bord à bord

Ciel et terre

Baignent dans la lumière


Assiette de sorcière


Dans l'assiette blanche

l'ananas jaune

donne naissance

à un champignon arachnéen.


Sur sa chair dorée

se développe

une pourriture nuageuse



Picardie


Des plates plaines de Péronne

aux doux arrondis du Vimeu

les ciels d’ici ont plus qu’ailleurs

le goût du vent et du vol de l’oiseau


Frissonnement de feuilles et d’eau

dans le jardin rue Portelette

Emietté de gazouillements le silence

n’a rien à redire


Au bout du bec un brin

de paille ou d’herbe les oiseaux

n’ont pas de temps à perdre

L’été est là déjà.



Oisemont


A l’arrondi de la route

Soudain le ciel le plus bleu

Est descendu sur terre

Et tremble dans le vent

Un champ de lin juste éclos



Les hortillonages


En barque

entre deux terres

entre deux eaux

entre deux ciels


Des petits ponts

cambrés

comme chats en colère

ferment au sommet leur grille

ajourée et coquette


Petits jardins

semés de choux

où poussent des nains célibataires

qui jettent leur bonnet

par dessus les moulins


Amiens


Une cabane dans les arbres

Un chat en rond sur un lit

Une odeur de pain au chocolat

Des chaussures au pied de l’escalier


Des livres en fleurs sur la chaise du jardin

Un sourire, un baiser sur les lèvres

La barrière est ouverte

Les enfants grandissent comme




Abbeville


Il y a un nain

dans le jardin

bonnet rouge comme un piment

Mers-les-Bains


Sur le sable brillant

tremble le double de la vie


Passé présent et à venir

Le temps dresse ses trois silhouettes

Le vent soulève

les cheveux la chance


la chance est-elle

à saisir dans l’eau

ou dans le ciel ?


Bois de Cise


Le matin on dégringole

les marches jusqu’aux roches

où s’accrochent les moules

qu’on dévore crues

les pieds dans l’eau


Nuages et soleil

se partagent.

la graine plaine bleue des vagues


On remonte à midi.


De l ’autre côté

du bois

passe la route


Un jour on fumera la pipe

en regardant les étoiles


Et on la cassera


Le Hâble d’Ault


Les marais à l’odeur de sel

appartiennent

au ciel et à l’eau

Des lapins s’envolent des terriers

Des oiseaux

marchent perchés sur leurs échasses

Les mouettes

posent leurs ailes

sur le vent.


Embusquée sous des huttes invisibles

à l’automne

la mort s’enterre

pour guetter les canards

.

Ault


Si petits au pied des falaises

creusées par la caresse

des vagues, les hommes

cueillent les fruits de mer


ou les pierres fossiles

dans la lumière qui danse

entre les nuages.



Cayeux


Parallèles de bleus

que le couchant colore

et la musique des galets ronds que la mer roule



La route blanche


Le vent a effacé les frontières

Le sable

le sable recouvre la route

On rêve de rester ensablé

entre les dunes

Le Hourdel


Les cris des goélands

répondent aux cris des mouettes.

Le ciel entre dans la poitrine

par les oreilles


et par l’air qu’on respire.

On habite

l’étendue, les bras

s’ouvrent pour voler


Le vent se prend

dans nos ailes de nylon


Maison de l’Oiseau


Les oiseaux carnivores

reviennent en rasant

de leurs ailes étendues

les peurs tenues en cages

dans les têtes d’enfants


Enraciné en terre

poing tendu vers le ciel

le maître des rapaces

tient le fil invisible qui les ramène





Saint-Maxent


Je n’ai pas reconnu la route

devenue grande

Le moulin est resté endormi

derrière nous

avec ses bras de bois

inutiles

comme mes souvenirs


Toeufles


Tourner à droite

au calvaire

Suivre la route qui sinue

entre les monuments aux morts

Les murs de torchis et de briques

les creux tapissés de verdure et d’herbes folles

Passer l’église

La porte du conte est ouverte

Des peupliers fantômes murmurent au passage

Les fées boivent la lumière à la source

Des noms sont gravés

Dans l’écorce des arbres

Le temps tremble comme une larme

Un arc en ciel relie

Le passé au présent.

 

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