Une plume dorée
s'est échappée du bouquet gris des jours.


Ce texte a été écrit pendant l'été 2003 dans le village de Goult, tout proche de celui de Ménerbes où le peintre avait son atelier, face aux Lubéron, tout près aussi du chateau de Sade.

 

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De Staël, Nicolas... Un enfant fou de vie. Né, c'est connu, à la veille de la Révolution d'octobre. Fils de la vieille Russie, la Russie blanche, fils de l'ordre, brutalement jeté dans le désordre et l'exil.
La balle magique s'est perdue.
La vieille nourrice est là, qui accompagne les enfants. La mère est là. Les sœurs sont là. Et le monde est secoué comme un hochet, comme un jouet. L'ordre du coucher et du lever, l'ordre de la table, tous les ordres qui freinent la liberté de l'enfant sont bousculés. On change de lit, de pays, mais l'essentiel est là.
Le monde est un lion scintillant offert aux rêves, un tigre éphémère qu'on abandonne à l'orée du sommeil.
J'imagine l'enfant ravi de ces levers nocturnes, de ces départs précipités, l'enfant porté à moitié endormi découvrant au réveil un paysage inconnu qui encadre le visage doux, le visage aimant, le visage familier de sa " nia nia ".
Le fragile s'envole.
Le général est mort. Déjà l'enfant l'a oublié, l'a enterré dans le trésor inaccessible des premières années. L'enfant sans père, l'enfant au nom d'empereur abdiqué pose gravement entre sa sœur et sa nourrice. Il a cinq ans, il a envie de courir, de grandir, de partir plus loin, encore plus loin.
Et ils partent, ils ont quitté la forteresse, ils ont quitté la perspective Nevski, ils quittent Ostrow. La mère les quitte.
Un funambule lumineux joue sur un fil invisible.
Nicolas a 8 ans.
Quelle liberté terrible et magnifique. Entre ses deux sœurs, la petite et la grande, Nicolas pousse comme un arbre qui penche un peu.
J'imagine les Fricero, ils deviendront " papa " et " maman " pour les trois enfants, pour d'autres aussi, et ils le sont déjà, c'est une véritable tribu qu'ils élèvent : études, loisirs, éducation… La peinture apparaît aux yeux d'un Nicolas encore enfantin. Avec sa sœur Olga il fréquente galeries et musées. L'enfant terrible supporte mal la discipline, les professeurs, il est tout entier passion du regard. Pourquoi, comment les peintres représentent-ils non seulement ce que voient les yeux mais aussi autre chose, ce que voit le corps, ce qui le fait exulter, danser, crier…
Une bulle obscure invente un autre monde.
J'imagine l'enfant, l'adolescent, ses grands bras, ses grandes jambes, ses yeux clairs, les premiers regards des femmes sur lui. Est-ce qu'il les voit ? " Maman " est penchée tendrement sur ce drôle d'enfant qui lui est poussé au milieu des autres, et qui résiste au désir du père de le faire ingénieur, qui ne se soucie de rien que de regarder, les peintres, les paysages, les lignes, les formes, les lumières, qui ne s'occupe à rien qu'à retrouver avec ses crayons, ses couleurs, cette magie qui le transporte depuis l'enfance, depuis toujours, ce bonheur.
Un maquillage bizarre triomphe des jours.
Nicolas a 23 ans. Il a visité la Hollande, le sud de la France, Paris. Il a parcouru l'Espagne en bicyclette. Tous les peintres, tous les musées, il les a dévorés. Pendant quatre ans il a suivi les cours d'architecture, de dessin antique, il a dessiné beaucoup, et puis il est parti, reparti et là-bas, dans la lumière dorée du Maroc, dans la saturation des couleurs et de la solitude, il a rencontré Jeannine, la femme-peintre, sa femme.
Une vague étrange fleurit dans le désert.
Jeannine avait un mari, un fils, depuis trois ans elle parcourait le pays avec eux. Ils peignaient l'un et l'autre.
J'imagine Nicolas, si jeune encore, 23 ans, je l'ai dit, et cette femme de 28 ans, son visage long, grave, le premier visage qu'ait peint Nicolas. Je les imagine, tous les trois avec l'enfant. Et la peinture.
L'Algérie, l'Italie… peindre, copier les peintres, étudier " pouvoir étudier aussi longtemps que possible ".
A la lumière lourde d'une bougie qui saute.
Travailler dans l'atelier de Fernand Léger, réaliser une fresque sous la direction de Fontanarosa, copier Chardin. Rencontrer un peintre, une galeriste, un historien de l'art, faire sa vie…
Passe une caravane rouge.
Sans hésiter le jeune Russe offre sa vie parce que la France est en guerre.
J'imagine le jeune peintre, il n'a encore que 25 ans, qui s'engage dans la Légion étrangère…
Commence une danse triste. La France est vaincue, la France est pétainiste, la France est occupée.
Nicolas, sa femme et son fils - Antek va avoir 12 ans - se sont retrouvés à Nice, Nicolas dessine et vernit des meubles, Janine vend quelques toiles. Elle met au monde Anne dans le froid de l'hiver 42. Un libraire niçois s'intéresse au travail de Nicolas, quelques amateurs. Pas de quoi se nourrir. Ils sont quatre maintenant, ils sont remontés à Paris. Ils brûlent les portes et les boiseries de l'hôtel particulier abandonné dans lequel leur amie galeriste les a logés, ils peignent sur les draps. Jeannine vend quelques tableaux. Nicolas ne vend rien.
On attend sous un chapiteau céleste.
La France est libérée. Comment Nicolas regarde-t-il la jeune étudiante en droit qui vient donner des cours d'anglais à Antek ? Il enferme le garçon dans un cagibi pour l'empêcher d'aller courir les rues, trafiquer ceci ou cela comme il en a pris l'habitude au marché noir, Antek en fait un poème, Braque l'illustre, la famille en vit quelques semaines ou quelques mois. Nicolas la voit-il cette jeune fille qu'il épousera dans deux ans, trois mois après la mort de sa femme…
Juste un soupir devant un miroir vif.
Il n'est question que de peintures, de galerie, d'exposition, d'amitié avec les amateurs de ces toiles. Elles sont abstraites. Les plans s'y superposent, la lumière vient du fond, elle traverse l'enchevêtrement des formes. Elle est très loin derrière. Jeannine est malade, la vie est dure, mais il y a les poètes, le nouvel atelier, Françoise ?
Je n'imagine pas la naissance de ce nouvel amour. Je vois seulement une très jeune fille amoureuse et un homme obsédé de peinture, avec deux enfants.
Jeannine meurt fin février, en mai Nicolas se marie avec Françoise, ils déménagent l'année suivante, l'atelier est grand, Braque est tout près, Laurence naît début avril. Des enfants, des toiles, le jeune géant déborde de fécondité, déborde des frontières.
Il porte un chapeau volant, il étonne.
En 48, il devient français, et père d'un quatrième enfant : Jérôme. Il expose à Montevidéo.
Perdre une galerie, en trouver une autre, choisir ses lieux, ses proches, chercher pinceau à la main, quelque chose qu'on ignore. S'émerveiller d'une colombe naturelle. La Hollande, la Belgique, la famille. Un livre pour voir, pour donner à voir la peinture, pour ouvrir le nom " de Staël " sur une vision. Reprendre, repeindre, observer les peintres, les contemporains. Avec les poètes, avec les musiciens, à l'écoute, à l'affût, en quête d'une vision. " Une façon toute nouvelle de suggérer l'espace ".
C'est juste l'aile d'une guitare qui éclate.
Avec René Char, Nicolas dit " retrouver d'emblée la passion que j'avais enfant pour les grands ciels, les feuilles en automne, et toute la nostalgie d'un langage direct, sans précédent que cela entraîne ".
J'imagine l'enfant imaginaire, imprégné d'une nostalgie que l'enfant réel ignorait. Devenant orphelin maintenant seulement, père de quatre enfants.
L'espoir flou d'un rêve.
J'imagine l'enthousiasme du peintre devant le match de football nocturne, comme à l'entrée d'une mine d'or. Pillant à pleines mains, à grands coups de couteaux la couleur en mouvement, l'énergie en couleurs. Multipliant les tableaux, l'un après l'autre à toute allure dans l'euphorie d'une source nouvelle, sans plus penser à rien qu'à cette matière souple qui se métamorphose sous ses mains en exultation du corps.
J'admire la chute angélique.
Comme une confirmation à la brutalité joyeuse de ces derniers tableaux se lève la lumière " fulgurante " et " vorace " du midi. Des forces se lèvent que la peinture n'épuise pas. Avec l'été, une rage nouvelle.
J'imagine Nicolas, 34 ans, debout devant un bloc de granit ou de marbre blanc, à l'ombre de son atelier tandis qu'à l'extérieur la lumière est un bloc plus dur que le marbre.
Un élan rêveur qui fait peur.
L'échappée en Italie. L'aller-retour à New York qu'il fuit aussitôt passée l'exposition.
Et dans l'atelier retrouvé, la peinture au plus proche - bouteilles, étagère -
Une figure rapide qui respire et qui bat.
A Londres, en aller-retour aussi, juste pour plonger dans les toiles d'un Hollandais du XVIIe siècle, avant de s'installer pour l'été, plus peut-être dans un nouvel atelier dans le Midi. Affronter ce bloc de lumière, le réduire à force de peinture, " comme on écrase le raisin et non comme on boit le vin ".
Mais il y a Jeanne. Son enthousiasme souple à capturer.
J'imagine l'irruption de la jeune fille dans le regard du peintre. Sa présence tout au long des jours d'août où l'on campe, femme, enfants, amis, à travers l'Italie et la Sicile. Le déchirement qu'elle provoque dans le tissu du temps.
D'elle toute joie et toute souffrance. Brûlure et glace. Il n'y a pas de place pour elle dans la vie du peintre. Elle prend toute la place, se pose sur les toiles. Ce sont les premiers nus peints par de Staël.
Il a quarante ans tout juste.
Le muscle tendre tournoie.
Pas d'autre issue que le travail. Plus que jamais, peindre. Dans la solitude. Dans un lieu fortifié. Loin de tout et de tous. Faire des tableaux. Un enfant naît, le troisième enfant de Françoise conçu dans les premiers jours d'août, dans l'embrasement amoureux de Jeanne. Il faut vivre dans la déchirure.
A Paris, Nicolas peint des ponts, et puis il repart, il retourne à Antibes, seul. Avec son vieil ami, Pierre Lecuire, (l'auteur de Voir Nicolas de Staël) il va au Prado voir les Goya et les Vélasquez. Il va à Lyon voir une exposition Courbet. Il passe des heures devant ses toiles sans les toucher, n'y posant que quelques touches par jour. Quelque chose lui échappe, qu'il appelle " la maîtrise ". Quelque chose s'impose qu'il appelle " le vertige ".
L'hiver ainsi se passe.
J'imagine le printemps 55, acide et froid. L'épuisement du peintre après cet hiver quasi stérile. Sa décision brusque de monter à Paris assister à deux concerts. Son retour à l'atelier, et sa volonté de forcer le passage, d'amener la peinture à montrer la musique. La toile couverte de rouge, immense, le piano, le violoncelle qui commence à naître dans le coin droit, épais, tout ce rouge sur la toile…Et la musique qui échappe.
Jeanne, droite comme un cyprès et sombre. Jeanne qui se donne et se refuse. Un tableau pour lequel on ne peut plus rien.
Nicolas de Staël regarde la nuit dans les yeux pour la dernière fois avant de basculer dans le vide.

Fulgurances

" Je touche l'air à ta rencontre " écrivait un poète aux femmes qu'il aimait.
Et l'air soudain chargé de désir se pressait contre les yeux, les lèvres de la lectrice. De l'espace clos de la lettre se diffusait par la magie des mots un mouvement de sens qui touchait toute cette étendue sans fond ni direction avec laquelle nous ne faisons qu'un.
Quelque chose de similaire a lieu devant les toiles d'un peintre. L'espace du tableau contamine l'étendue qui nous en sépare.

" Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace. " dit de Staël.
Les tableaux acquiert au fil du temps et du travail une légèreté quasi immatérielle. Je pense au premier tableau que j'ai vu où étaient suspendus dans une clarté surnaturelle des formes - bouteilles, étagères, si l'on veut- des formes d'une harmonie surnaturelle.
" Je veux réaliser une harmonie. " écrivait le peintre en réponse à un questionnaire (questionnaire, on croit rêver) du Musée d'Art Moderne de New York qui venait de recevoir dans ses collections une de ses œuvres.
Si la peinture a été jusqu'au bout de ce qu'elle pouvait donner au peintre, si elle a épuisé, comblé, creusé, raclé jusqu'à l'âme cette carcasse-là, que lui reste-t-il à faire qu'à se laisser tomber, bras ouverts, dans l'insaisissable.
Mais il n'y a pas d'histoire. Pas de véritable histoire sans femme.
Pas d'histoire sans rencontres, désir, faim, espoir, colère.
Même les histoires de peintre.
Même les histoires qu'on ne peut voir qu'en peinture.
D'abord l'homme est jeune. On le dit beau. Une stature de géant, presque deux mètres, les cheveux en coup de vent, les yeux clairs. Et ce genre qu'il a, ce genre qu'il se donne. Ce genre de prince. Parce qu'il faut bien la porter, cette grande carcasse encombrante, la nourrir.
D'abord la bête est bonne. Solide. L'Espagne en vélo, la belle étoile, un morceau de pain de temps en temps. Tout pour les yeux. Regard inquisiteur, tatillon. Dessiner, depuis longtemps déjà, il sait. Il a appris. Maintenant c'est autre chose, il s'agit de capter l'enfance d'un geste, un creux de chair, l'espace exact entre deux instants. Il s'agit d'analyser les couleurs, de comprendre l'éventail invisible déployé derrière les apparences.
De chercher le secret, le Grand Secret. Dans les livres et dans les musées. Eperdument. Dans les yeux d'une femme qui ne sourit pas mais qui rit haut et clair. Et qui marche devant.
De le poursuivre avec férocité.
De quitter ce premier sommet atteint : un portrait. De quitter le sujet, toujours plus vaste que ce que la ressemblance en atteint. Renoncer à l'objet à cause de " l'infinie multitude des objets existants. "
Il faut presser à pleines mains les couleurs. Malgré la misère, à cause de la misère, à cause de la faim. A pleins tubes. A plein mystère.
Construire dans l'obscur, tourner le dos à la honte, au visible, s'oublier, oublier la femme qui fleurit en surface, qui fleurit et qui peint en chantant des tableaux à vendre, et qui s'épuise. Exposer pour le première fois.
L'amour et la faim à crever.
L'évidence aveuglante de l'amour comme un feu blanc, incandescent, qui transperce le réseau épais des significations, épouse à contrario la matière, l'illumine, la déchire violemment d'un rouge criant, d'une touche de jaune. Traquer la lumière, exacerber les contrastes. Recouvrir la toile d'autant de pâtes que possible, la griffer, en travailler l'épaisseur, mettre à vif l'enfoui. Faire apparaître des gris jamais vus. Multiplier les plans.
La mort de Jeannine, le mariage avec Françoise ne changent rien à la manière du peintre.
Le déménagement si.
Le nouvel atelier est plus grand ; les toiles s'agrandissent. Un nouvel espace entre dans les toiles.
La Vie dure est derrière. Là où le peintre ne regarde jamais. C'en est fini des prisons de Piranèse et des Brise-La(r)mes.
Une nouvelle géométrie engage le regard. Les formes s'élargissent, s'emboîtent, s'engendrent. On sort de l'inextricable. Le peintre a appris à composer. Le monde entre dans la peinture. Un jeu de carrés, de carreaux, de couleurs, un damier vertical - gammes de gris de toutes les tonalités, monotones et multiples comme des séries naturelles. Le peintre démiurge n'imite rien ni personne. L'insaisissable, il sait le saisir par instants, par accidents, par aventure, par obstination.
Par brusques flambées.
Il y a du bonheur dans ces années, dans ces tableaux où chantent tous les oiseaux du monde.
L'horizon craque sous la truelle. La carcasse craque comme une coquille d'œuf pour laisser naître l'œuvre vivante.
Le géant joue de tout. Rire et colère à l'emporte-pièce. Rien de sérieux.
Le sérieux est ailleurs. Dans l'atelier. Le vrai combat, qu'il affronte en vainqueur.
L'amour n'est plus une lampe de mineur sur le front. C'est un verre d'eau pour la soif, une ombre pour la sieste. Une fraîcheur et non une brûlure. Une douce durée.
Les ciels sont entrés dans l'espace du tableau. La matière se fait plus légère, pourtant il peint toujours comme une brute. Il creuse, il entaille. Et l'immatériel sourd des ravines de ses ciels.
Il peint comme un footballeur. La peinture exulte. Le peintre a bousculé l'abstrait, formes et couleurs basculent l'un dans l'autre pour un pur chant où joie et dépense se conjuguent. Le mouvement entre dans l'immobile. Sport, danse, musique…
Le paysage a forcé le passage.
Une femme entre dans le paysage.
Nue sur la toile elle s'impose, bras levé pour se protéger de la lumière, de la vie, du peintre. Sa nudité jaillit comme une fontaine.
Après les premiers dessins marocains, les portraits de Jeannine, les footballeurs et la danseuse des Indes galantes, c'est la réapparition de la forme humaine qui impose sa nudité dernière.
L'homme se débat comme un diable. Il apprend à conduire, il passe son permis et il embarque dans un vieux camion tous les éléments de son enfer. Deux femmes, c'est beaucoup trop pour un homme qui ne sait vivre que de peinture. Il plaque la lumière sur la toile, cette lumière brutale " vorace " de l'Italie et de la Provence.
Au retour, il fait rupture, s'isole.
Il conduit comme il peint, trop vite, trop fort, il cherche l'accident.
Chaque fois qu'il le trouve, la peinture est gagnante.

 

Il peint des bouteilles, des fantômes de bouteilles, des formes de bouteilles grises et noires. Il peint au plus proche, au plus léger, avec des bandes de gaz. Il ne choisit plus, de moins en moins. Il est devenu diaphane. Si forcené que soit le travail, il n'en reste qu'une innocence éperdue. Tout désormais entre dans la toile par " ses doigts d'ange frêle ". Paysages, ateliers, corps, oiseaux. La bête est rompue. Dans la force de l'âge, clouée à une volonté d'épuisement.
Le mystère de l'absolue simplicité
L'intolérable énigme de la vie et de la mort.
Plus rien ne recouvre le rouge caché dès les premières toiles. Il pèse sur le corps nu qui s'arc-boute. Il envahit l'espace ultime.
Me voici, aujourd'hui, dans l'émotion du regard. Le monde devant moi, faussement réel, étalé devant l'œil, vautré dans son apparence, impénétrable.
Là, visage caché derrière le carreau, le mur dessine un œil rond d'oiseau, un nez épaté, une bouche charnue, presque négroïde, une bouche gonflée qui fait la moue… toute la maison se rit de moi, l'habitante fugace, toute la maison se fait tableau, caverne, silence. A l'écoute de la résonance. De la trace.

Sur une étagère des bouteilles, des cruches, des vases de pots alignés et poussiéreux, sur l'armoire, partout, bougies et bougeoirs, lampe à huile, les objets nous narguent, vives natures mortes, provocation au peintre absent, au peintre rêvé.

Marie-Florence Ehret
Goult août 2003


Le Fort d'Antibes 1955 114x195 Musée Picasso Antibes
Boire la peinture
Dans l'horizontal de la mer
Dans l'aplat du ciel
Dans l'étirement des bleus altérés


Bouteilles 1952 92x73 collection particulière

 

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