Comme
un poisson dans une mer quantique Quand vous lirez
ce message, je pourrai enfin atteindre le sommet du Mont analogue - que, par ailleurs,
je n'attendrais jamais si je n'y étais déjà, comme un poisson
dans une mer quantique. Je ne peux vous raconter les dernières péripéties
de notre aventure car le temps presse : pour monter dans l'extrême, il faut
aller vite, le corps humain ne récupère pas en haute altitude, il
vaut mieux ne pas s'arrêter. Cependant, puis que je suis seul désormais,
il faut bien que les mots relayent le dernier observateur extérieur, indispensable
pour que puisse prendre fin mon ascension. Comme vous le savez, nous avons
embarqué le 10 octobre 19 .. sur l'Impossible. Deux mois plus tard environ,
alors que nous étions délesté de tout espoir, l'Impossible
est arrivé, il est passé à travers la courbure spatio-temporelle
qui nous tenait à l'écart du Mont-Analogue, et nous avons débarqué
à Port des singes. Nous avons senti avec évidence que nous étions
là depuis toujours, et pour toujours, mais un désir toujours vivace
nous animait d'accéder au point d'être ultime, désir comparable
à celui de l'enfant sur la balançoire d'aller plus haut, toujours
plus haut, dans la peur délicieuse que la corde craque. Après
différents préparatifs dont vous avez été tenus informés,
nous sommes donc partis, ou si vous préférez, nous avons entraîné
et traîne nos corps pour éprouver ces enivrantes sensations de plaisir
et de peur dont lui seul connaît la chimie. Nous les avons hissés
non sans peine le long de la pente ouest du Mont Analogue. Durant cette montée
sans commencement ni fin, différents événements nous ont
cependant permis de faire le point. Vous en connaissez quelques uns : l'histoire
du chef des porteurs, la nécessité d'envoyer des vivres à
la caravane précédente et celle de secourir malgré tou l'autre
expédition. J'ai eu en particulier la tristesse de voir retomber devant
moi mon jeune ami Emile Georges qui nous avait rattrapés, et même
devancés dans une ascension solitaire fulgurante. La maladie m'a ensuite
retenue longuement tandis que sur ma demande pressante, le reste du groupe poursuivait
son entreprise. Etant seul désormais, je ne peux plus compter que sur
le lecteur pour me sortir de cette soupe virtuelle, réduire le paquet d'ondes
dans lequel je suis pris, me repêcher en somme, et me permettre de ne plus
coïncider qu'avec un point final Pour moi les dés sont jetés.
Vous les lirez. A vous de jouer . Cette dépêche non signée
nous a été communiquée par Marie-Florence Ehret en novembre
95
|