D'un bout à l'autre du
département, trente-neuf lecteurs ont accepté de rencontrer un écrivain
et un photographe pour leur confier, comme une confidence ou un cadeau, ce regard,
ce lien intime qu'ils entretiennent avec un livre. De Péronne
à Saint-Riquier, en passant par Albert, Chaulnes, Vignacourt, Oisemont,
j'ai découvert ces médiathèques et bibliothèques nouvelles
ou plus anciennes qui offrent à tous les lecteurs l'inépuisable
du monde. Mémoire collective, le livre permet à chacun d'oublier
ce que tous à travers lui, nous gardons. Et que chaque lecture fait vivre.
Le souvenir de la guerre, par exemple, plus vif ici qu'ailleurs, qui s'en étonnera
? Loin de tourner le dos à la vie, les lecteurs multiplient les chemins,
les ponts, les passerelles qui la relient aux livres. Si la lecture est une
activité solitaire, nous découvrons à travers ces portraits
combien elle enrichit les relations que nous entretenons avec les autres. Elle
crée des complicités, transmet des émotions, donne à
partager des sentiments qui ne pourraient se dire sans la distance de la fiction. Elle
ouvre " l'ici et maintenant " pour en extraire toute la saveur, en faire
apprécier les qualités, mais aussi pour l'imaginer différent,
en ébranler l'inaltérabilité. Passé, avenir, ailleurs,
la lecture donne corps à toute absence. C'est un voyage aussi, dans
le temps d'abord, rendant la parole à ceux, que la mort a rendu muets,
la donnant à ce qui ne l'a pas. Un voyage dans l'espace aussi, bien sûr. Et
puis c'est une rencontre avec celui ou celle qui a pris le risque d'écrire,
c'est-à-dire de se mettre en livre, de se livrer, comme l'ont fait ces
lecteurs, devenus pour une page, auteur. Qu'ils soient ici remerciés
de la confiance qu'ils nous ont fait, qu'ils vous font à vous qui allez
les lire.
Marie-Florence Ehret Juin-juillet 2004
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