Monter un atelier d'écriture
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Après une longue introduction théorique sur l'intérêt et la manière - y compris administrative- de faire venir un écrivain dans une classe, pour une rencontre ou des ateliers, nous passons à la pratique.

Chaque texte intègre au fur et à mesure qu'ils sont énoncés les mots qu'à tour de rôle chaque participant offre (et impose) au groupe... Et c'est ainsi qu'il avance!

Essayez de retrouver les mots imposés, voici les trois premiers...

Tomate, ridicule, libellule, etc…

Le rouge saignant d'un tas de tomates me fait penser au rouge vif de notre passion inassouvie. Il est ridicule d'aimer autant. Tel une libellule tu m'échappes et je m'égare à te poursuivre. Le tableau de notre amour est plutôt désastreux. J'aime pourtant m'y arrêter. Y a-t-il un moyen d'arrêter notre chute, notre désillusion, un parachute de secours ? La bouteille sera peut-être ma seule consolatrice. L'alcool dilate le temps et fait oublier les chagrins. Peut-on monter dans la déchéance avec un ascenseur ? Tomber amoureuse c'est une chute. Financièrement je ne fais plus attention à rien. Tu m'obsèdes trop mon amour. Tu étais beau comme un camion. C'est dommage. Les papillons parsèment le ciel de mille couleurs qui telles une drogue me plongent dans l'oubli. Quel sera l'antidote à notre passion ? Je n'ai pas su chausser l'escarpin de Cendrillon. Peut-être en me coupant l'orteil ? Quelle invention vas-tu encore trouver pour me faire souffrir ? Notre passion aura été fatale. Je crois qu'il ne me reste plus qu'à manger des spaghettis sans saveur. Une robe d'organdi. me consolera. Je vais me bourrer d'amandines. Je ne suis plus qu'un tas de barbaque meurtrie. En montgolfière je m'en irai. J'irai me pelotonner contre le radiateur, lui au moins est gentil.

Julie Wallard
Stagiaire IUFM à Amiens (Formation disciplinaire animée par M. Taboulot)

 

" - Garçon, un jus de tomate ! "
…Y craint pas l'ridicule, ce mec, de commander ça au Café de Flore ! Pourquoi pas un jus de libellule pendant qu'il y est !?
Sur le mur du fond, un superbe tableau abstrait illumine la salle, de derrière les fumées de cigarette…
Le mec, y craint rien, y se lance sans parachute : " - Et de la chantilly avec mon jus de tomate " ! Pas croyable, y chie pas la honte !
…V'là le garçon qui déboule de l'ascenseur, en provenance du sous-sol, avec une petite bouteille rougeâtre…
Financièrement, le mec, y doit bien s'en sortir…mais, intellectuellement, j'suis moins sûr ! … Les vitres du café tremblent… Broum broum… Ces camions, quelle plaie ! " - Et ma chantilly ? " qu'il crie, le minus !
" - Minute papillon ! " qu'y lui rétorque, le garçon, du tac au tac… Il a raison, ce gars, le meilleur antidote à la connerie, c'est bien encore le mépris… Tu le verrais, le mec ! Tiré à quatre épingles, avec sa veste bleu canard et ses escarpins en peau d'couilles. Tu parles d'une invention, ces godasses sans lacets, qui dérapent dès que tu cours un peu… Et vlan, tu glisses sur une merde et, fatal ! tu t'ramasses !
Avec son jus d'tomate, le mec, y demande une platée de spaghetti bolognaise… C'était couru ! …Fais gaffe à ta chemise en organdi, mec : tu vas la retrouver constellée !
Il arrive enfin au dessert : je parie que vous avez compris qu'il se commande une tartelette amandine… Pas croyable ! Remarque, avec la barbaque qu'y se trimballe sur le bide, ça doit pas être la première qu'y se tape, de tartelette, le mec… Il a la silhouette d'une mongolfière !
Ecoeuré, je détourne les yeux du miroir qu'est là, au dessus du radiateur, et je gueule à travers le Café : " - Garçon, un deuxième jus de tomate !!! "


Dario Polselli


Histoire de tomate

Il était une fois une jolie petite tomate qui s'épanouissait dans un potager. Ma voisine trouve ce début un peu ridicule, mais quand je lui ai dit que le deuxième personnage était une libellule, elle m'a regardé d'un air intéressé. Elle a terminé ses devoirs au tableau. Alors j'ai continué : la tomate voulut un jour faire un tour en parachute. Elle demanda à la libellule de lui fournir une bouteille. Mademoiselle Tomate y grimpa, mais l'ascenseur était en panne, ce qui ne lui permit pas d'aller jusqu'au fond ! Pendant ce temps, la libellule continuait son chemin parmi les champs. Financièrement, elle n'avait pas les moyens ! Elle préféra aller en camion, sur le conseil du papillon. Celui-ci l'accompagna à la pharmacie pour trouver un antidote aux délires de l'imagination. La seule potion que trouva le monsieur barbu fut un extrait odorant de jus d'escarpin. Autant vous dire que ce parfum n'est pas d'une invention récente. La tomate le connaissait déjà. Néanmoins, son efficacité fut fatale, et la tomate eut bien du mal à s'en remettre. Pourtant, elle avait caché ce terrible jus dans une assiette de spaghetti à… sa sauce ! La libellule, attristée, alla à l'enterrement de la tomate, avec une belle robe en organdi. Tout se termina par une fête en l'honneur du fruit. La libellule offrit le dessert : une amandine. C'était bien meilleur qeu la barbaque que la femme du barbu avait cuisinée pour l'occasion, et qui avait une sale odeur de pharmacie. Pour consoler les frères et sœurs de la tomate, la libellule organisa un tour en mongolfière.
C'est la fin de l'histoire. Ma voisine a eu du mal à suivre chaque épisode, mais elle écoutait attentivement, adossée contre le radiateur, en regardant vaguement ce qu'elle avait écrit au tableau.

Agnès Lorrain

 

 




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