Un Fernando Pessoa plus grand que nature pèse de tout son bronze
devant la terrasse du café Brasileira.
Lentrée du métro
Baixa-Chiado (prononcer : baïtchia kiado) est juste devant.
Des
amoureux sembrassent éperdument, appuyés contre la rambarde.
On descend profondément. Les escalators succèdent aux escalators.
Propreté
Rossio
Une publicité pour le
Bacardi-Limon.
Il est 18h35. Sonnerie. Les portes se ferment. Assis. Debout.
Ma voisine a des chaussures à bouts carrés
Martin
Moniz
des cheveux blancs bien coiffés.
Sur les murs
caracolent des personnages guerriers.
Une voix féminine annonce la
station :
Intendente
Un homme assis en face de moi tient une
enveloppe de kraft sur laquelle on peut lire le nom dArpad Szenès.
Cest le mari de Vieira da Silva, et nous sortons du musée où
sont exposées quelques unes de leurs uvres. Cest comme sil
nous avait accompagnés.
Anjos
Ma voisine est descendue.
La femme qui la remplace a les pieds nus dans des chaussures découvertes.
« Arpad » somnole, appuyé sur son coude.
Arroios
Je descends. Des étincelles brillent sur le quai. Musique dambiance.
Petits, tout-petits carreaux bleus, bleus et bleus (bleu-gris, bleu-bleu, bleu
sombre)
Il y a moins de monde dans la rame suivante.
La cravate den
face est élégante.
Alameda
La station est plus
vivement éclairée. « Ladroes » « calam aulas de
mùsica », et aussi « jovem raptada està no Brasil »
dit le journal.
Areeiro
de mon voisin.
Publicité.
Lumière. Carreaux verts. Journal, journal
Plus personne nest
debout. Plus de voix pour annoncer les stations (qui sallongent ?) on file.
Le bruit des pneus est le même quà Paris.
Roma
Carreaux bleus. Sonnerie. On repart. Un homme en short marchait sur le quai en
tenant une bouteille deau minérale à la main. Un touriste,
assurément.
Alvalade
La cravate descend là. La
station nest que faiblement éclairée. Quelle ville est là-haut
dans la lumière du couchant ?
Le gouvernement garantit la sécurité
des Portugais au Venezuela (sauf erreur de traduction)
Le métro sort
de terre. Palmiers et HLM ? Un dernier étage vert et cest
Campo
Grande
Terminus.
Odeurs de pâtisserie dans lescalator.
Des marquis et des princesses en carreaux décalés dazulejos.
Changement.
Sièges de plastique rouge et de moquette bleu-violet.
On rentre sous terre.
Wagons bleu-ciel. Odeurs de neuf, de propre. Les voisins
croquent des pop-corn.
Cidade Universitària
Magnifiques
azulejos en géométries jaunes et bleus.
La voix féminine
est revenue, couverte par le ronflement du métro. Une affiche lumineuse
au fond du wagon annonce aussi la station à venir :
Entrecampos
Colonnes. Marbre ? La station est grandiose. Nest-ce pas là que je
voulais prendre une correspondance ? Peut-être
pour aller où
? Je ne sais plus !
Le wagon sest vidé, mes voisins ont changé
de place, ils étalent leurs jambes, occupent quatre places à eux
deux. Des taureaux
Campo pequeno
caracolent sur les murs. Ils
(les jeunes gens) mettent leurs pieds sur les banquettes den face, jettent
des coups dil inquiets sur celle qui écrit. Je descends. Ca
va trop vite ! Sous le nom de la station écrit en noir sur jaune, des figures
mignonnes, anges et fées ? toujours sur carreaux de terre cuite.
Jattends la rame suivante Et puis ? Rien. Des femmes. Elles portent des
sacs de plastique pleins de course. Elles lisent des magazines féminins.
Elles sont jeunes, elles sont trois, elles parlent ensemble, debout sur le quai.
Elles tirent des valises roulantes. Elles se lèvent quand le métro
arrive.
Picoas
Qui a conçu la décoration de cette
station ? Belles figures aux traits épais, trop vite passées.
Marquês
de Pombal
Grande station
Correspondance
Tapis roulant.
Ecrire
debout.
Parque
Je descends.
Pour mieux voir les carreaux
bleus sur lesquels des lignes, des continents, des oiseaux ? courent et se perdent.
Je ne distingue rien que cette voûte bleue. La station est presque déserte.
Quy a-t-il au-dessus, un parc ? Où nul nhabite ?
Un peu
moins de monde dans cette rame. Ma voisine dort (somnole) des fleurs pleins les
bras. La voix annonce :
Sao Sebastiao
La station est très
sombre. Je me lève pour regarder les lignes du métro dessinées
au-dessus de la porte.
Praça de Espanha
Je reprends la
ligne dans lautre sens.
Envie de retrouver le Tage avant que le soleil
ait disparu. La station est triste, mal éclairée.
19h28
22 septembre
jour européen
sans voitures.
Ai-je bien compris lannonce lumineuse ?
Un métro
arrive de la gauche. Je me lève, réflexe de Parisienne ! Ici ils
viennent de la droite, comme les RER.
Le nom de la station est écrit
en bleu sur fond bleu.
La sortie (saida) est toujours sur fond vert.
Lodeur
du produit dentretien parfumé est là, forte.
Sao
Sabastiao
1 homme descend.
1 homme et 1 femme montent. Rien à
signaler. Voix assourdis.
Parque
je lis : « Boa esperança
»
Marquês Pombal
Je pourrais repartir vers Oriente
mais je nai plus envie. Une femme lit un livre. Je nai pas réussi
à voir le titre. Il y a des places vides. Deux jeunes filles
Avenida
restent debout. Elles bavardent. Elles sont grandes, plus d1m70 me semble-t-il.
Restauradores
La station est plus claire, des colonnes lélargissent. Un bébé
sessaye à prononcer ses premiers sons « Aaa aa a »
Baixa-Chiado
19 septembre 2000
Cette fois je monte à
Avenida
Restauradores
Il est 17h
Baixa chiado
Ligne bleue
Ligne
verte
La fille a les cheveux rouges, les pieds nus dans des sandales noires.
Le garçon
Rossio
Sur cette ligne les trains paraissent
plus anciens, pas de voix ni daffiches pour annoncer les stations
Martin
Moniz
le garçon, cest un jeune homme, sourit et hoche la
tête en écoutant Cheveux rouges. Devant moi un autre garçon,
tout jeune il revient de lécole ? il a les cheveux blonds
Intendente
Je me lève précipitamment, jai peur de rater la correspondance
Anjos
Ma place a été prise aussitôt. Ce nest pas la bonne
station. Je reste debout.
Arrios
Dans lautre sens aussi,
on est debout. Un couple sétreint. Le métro les emporte.
Alameda
Tapis roulant descendant
Ligne rouge
Métro neuf (odeurs, couleurs)
Quelque part sous un cadre un bloc (une strate ?) de pierre semi-précieuse
dans les bleu-vert.
Olaias
Ample.
Amples colonnes de métal
comme un bateau ample
On sort de terre, on survole des jardins, un instant,
et on est enterré aussitôt. A-t-on rêvé ? Peut-être
Bela
vista
Entrée somptueuse, entrevue puis le quai, avec son marbre,
et le long de lescalier, grandiose, les céramiques de couleurs.
Chelas
Bientôt, à venir, annoncée, Chelas, rouges, les colonnes,
bleus, les murs, entaillées de couleurs aux vives arêtes.
Nous
filons toujours dans le noir.
Olivais
Bruit de freins, paysages
en longues frises, horizontalité.
Lune mange, une autre lit.
Et celle-ci, à quoi pense-t-elle, mains jointes sur les genoux, regard
de vierge ?
Cabo ruivo
La station est déserte, nue, à
peine éclairée.
A quoi pense-t-il le menton appuyé de
côté sur le poing gauche ?
A quoi pensent-ils ?
Oriente
Terminus ? Personne ne bouge
Il est 17h28
Tout le monde se lève
en même temps..
On sort.
Impression daéroport. Les
autobus attendent en haut. Je repars dans lautre sens
A ma droite, une
jeune fille lit. : Rita Ferro. Les fils de la mère (Os filhos da mae)
A ma gauche, on parle français.
Des corps façon BD senchevêtrent
sur un mur. Sur le mur den face, la lune et le soleil rivalisent de géométrie.
Cabo
ruivo
Ecrit sur fond rouge, pour ligne rouge.
Dia 22
De Setembro
(Olivais un cheval ailé, plus loin un drapeau rouge brandi)
nao precisa
acenar
para o metro
parar
Chelas
Les entailles sont en
creux, entrailles colorées que dévoileraient les déchirures
dune peau bleue.
Bela vista
Géométrie des
couleurs entrevue. La station est courte : on sarrête à peine,
elle est à peine plus longue que le métro.
Surprise : le soleil
est sortie sous les nuages, éblouissant, à peine entrevue avant
de rentrer sous terre.
Olaias
Pourquoi cette station est-elle
deux fois plus large que les autres ? Affluence ? Pas à linstant
en tout cas !
Alameda
Vêtements, pharmacie, porcelaine,
on peut tout acheter à la correspondance.
Lenfant en veste de
jean, avec les sacs, les seins, le ventre
Anjos
tient à
peine sur les genoux de sa mère, glisse vers le voisin den face
Intendente
Il observe, lui aussi, montre du doigt, chante avec la sonnerie de fermeture des
portes. Il tient bien serré dans sa main gauche une petite voiture.
Martin
Moniz
Terminus du tram 28. Jaurais pu descendre là pour rentrer
rua dos remedios
Les freins chantent aigus.
Rossio
La place
sest libérée en face de la mère surchargée.
Lenfant sy est assis. Il pose un baiser sur sa main.
Baixa
Chiado
Mère et fils descendent. Mon voisin baille en feuilletant
le journal. Je nai même pas le temps de voir un titre.
Cais
do Sodré
Les grandes pattes bleues du lapin dAlice court
tout au long de la station
En haut, le Tage sendort dans lobscurité
du soir. Les docks vont entamer leur vie nocturne. On se presse à la gare.
Je titube un peu au sortir de cet intimité sans histoire, au grand air
de la Ville historique. Trop neuf, le métro lisboète ? Ou navais-je
pas les yeux pour voir derrière la vue ??