Un automne à Berlin

 

Berlin est une ville formidablement émouvante.

D’abord, elle paraît vide, presque déserte… Les rues sont si larges, et les trottoirs. On y croise un piéton, à peine. Des arbres la cachent et la protègent, ils se rejoignent au dessus des rues, se regroupent en forêt, se dispersent, se multiplient.

(à l'extrême droite de la photo, l'antenne de télévision d'Alexanderplatz)

Les arbres ont repoussé mais les cicatrices de l’histoire restent bien visibles. Un blokhaus est pris dans une barre d’immeubles, un clocher effondré se dresse contre la tour moderne de la nouvelle cathédrale, des terrains vagues inscrivent leurs vides au milieu des immeubles en ciment, en béton, en acier et en verre, entre les églises et les usines de brique jaune et de brique rouge, derrière les musées, le long de la Spree…

 

la Kaiser-Wilhem-Gedächtniskirche, "la dent gâtée" disent les Berlinois

La ville se dessine jour après jour. Réel et imaginaire se mêlent. Les noms prennent corps : Alexanderplatz, Potsdamer Platz, Zoologischer Garten, et aussi Prenzlauer Berg, Mitte, Kreuzberg, Boxhagenerplatz…

Combien de Berlin dans Berlin ? Ville unique et multiple, vieille et jeune, provinciale et capitale, ostalgique et nostalgique, détruite et conservée. Mosaïques de quartiers et  feuilleté de temps…
La violence même des destructions successives dont la ville a été l’objet n’en permet pas l’effacement. 
Ville en permanente reconstruction, qui vit danser les grues sous la direction de Daniel Barenboïm, mais ne veut pas gommer les traces de balles sur les vieux murs de pierre.

Des murs, il y en a beaucoup à Berlin couverts de graffitis, à moitié démolis, lentement dégradés par la pluie et le gel… Toujours présents.

1er jour

Katrine et Elise, la blonde et la moins blonde, l'Allemande et la Française, m'attendent à l'aéroport de Alt Tegel. Elles incarneront pour moi tout au long de ces deux mois la Fondation Genshagen qui se tient au château de Genshagen, au milieu d'un parc magnifique, à une heure à l'est de Berlin où je n'irai qu'une fois, pour y rencontrer des lycéens et lire Jazz aux Islettes accompagnée au sax par Lucie Land (auteur de Gadji)

C'est à Berlin que j'habiterai, à Kreuzberg, Mittenwalderstrasse.

pas mal, non? la cour, la terrasse, la "pièce à vivre" qui donne sur la terrasse par une grande baie vitrée

Première leçon de prononciation. Il me faudra plusieurs jours pour retenir le nom de ma station d’U-bahn : Gneisenaustrasse

Sur les conseils de Katrine, je vais à pied jusqu’au marché turc. Il suffit de longer le canal,

Je marche sous les arbres, sur un chemin de terre, entre les pelouses, sur le trottoir, les arbres continuent des deux côtés de la route. Deux hommes prennent leur petit déjeuner sur leur balcon. Des fleurs dégringolent jusqu’à leur table depuis le balcon du dessus.
Tant de végétation au coeur de la ville.

Le marché me paraît petit à côté de celui de La Chapelle. J’achète pour un euro trois paires de chaussettes blanches, rayées noir, rouge et jaune. Et une barquette de framboises.

L’après midi, je visite le Musée juif.

Le jardin de l’exil, est, n’est pas, l’ensemble de stèles de béton gris dont j’ai vu les photos ?
Ici, toutes les tours ont la même taille et elles sont couronnées d’oliviers.

Mais ici aussi le passage entre elles est étroit, les pavés déséquilibrent la marche, le sol est en pente, les enfants jouent entre les tours. Comme dans le Mémorial, que je n’ai pas vu, que j’ai vu en photo, dont j’ai entendu parler, ce Mémorial où je ne suis pas encore allée mais qui habite déjà ma mémoire et s’interpose avec celui-ci. Ce mémorial qui a fait l’objet de tant de discussions, de conflits… Je fais quelques pas vers la Tour de l’holocauste, il y a des films, en allemand, en anglais, des écrans, des images grises qui bougent. Je ne sais pas qui c’est, ce que c’est, je ne comprends pas, je fais demi tour. Je ne sais pas que je ne vais pas jusqu'au bout. Je prends le couloir du milieu, je monte, j’entre dans une série de salles, je me perds, je tourne en rond, je descends, je remonte,  je finis par le Moyen-âge en écoutant les commentaires de l’audio-guide sur la période après 45, je ne trouve pas la sortie, je reviens sur mes pas, une fois, trois fois, je passe devant les mêmes visages, les mêmes photos, les mêmes objets, je n’en peux plus…

A la fin, tout à fait à la fin, je trouve la Memory void, le vide de la mémoire, et je marche jusqu’au fond sur ces visages de métal, semblables à des feuilles mortes a dit l’artiste – symboles de la cendre qui reste seule matière de ceux qui par millions furent brûlés.

Tout se mêle dans ma tête… Depuis le début de mon parcours je suis aveuglée par l'émotion, perdue dans l'immensité du crime.

Le dépliant est très clair, je le vois bien maintenant.

Le musée a été conçu par un architecte américain d’origine juive polonaise : Daniel Libeskind, né en 46. Il est baptisé « between the lines » par l’architecte. Il est drapé de zinc étincelant.

On le surnomme le Blitz (l’éclair).

Pour comprendre, il faudrait y retourner. Je n’ai pas compris. Je me suis laissée foudroyée.

Berlin devait commencer ici, dans l'absence.

2ème jour
en Ubahn puis à pied.

U-Bahn entre Hallesches Tor et Prinzenstrasse

A Gneisenaustrasse je me trompe de direction et me retrouve à Posdamer platz... pourquoi pas descendre là?

Au hasard, je vais droit jusqu’au Mémorial. Cette fois c’est lui, ce lieu contesté et qui aussitôt s’impose comme une évidence. Avec ses arêtes tranchées, ses stèles qui s’élèvent de plus en plus haut, sa présence. Incontestable.

Je continue toujours au hasard. J’arrive devant la Brandenburger Tor et son quadridge que je regarde comme une incongruité dans le ciel gris.

oui je sais sur la photo, la célèbre porte et son quadrige sont un peu cachés par la scène qu'on est en train de monter pour un concert, pour la fête nationale le 3 octobre, vous trouverez des dizaines d'autres photos beaucoup mieux sur internet!!

Je continue jusqu'au Reichstag... (En fait j'ai oublié mon appareil pendant tout le premier mois, alors tant pis si les photos ne sont pas exactement contemporaines au texte!! et pour les monuments célèbres, allez voir ailleurs s'ils y sont!!) Je monte en tournant jusqu’en haut du dôme panoramique. La Spree coule à nos pieds. J’essaie de m’y retrouver dans tous ces dômes, ses clochers… non en réalité je n’essaie pas, je prends plaisir un instant à ce regard d’oiseau puis je redescends sur terre et je rejoins l'Hauptbahnhof (la gare centrale) tandis que tombe de grosses gouttes de pluie... J’achète un parapluie chez Rossmann pour 2€ 45.

Et je prends le S bahn jusqu’à Ostbanhof – gare de l’est.

Je vais à pied le long du mur battu de vent et de pluie. Je le regarde à peine, j’en observe plutôt, les alentours désolés, les fissures. Je marche ainsi sous la pluie Jusqu’à un pont rouge. Le plus beau pont de Berlin m’a-t-on dit (ai-je lu ?) le Oberbaumbrücke  (je n ‘arrive pas encore à en retenir le nom, ni celui-ci ni aucun autre. Cela viendra peu à peu. J’aurai à retrouver et à prononcer – mal !- tous ces noms qui ne me disent rien encore, une jubilation intense, une délectation...) Quant au pont,  je le reverrai avec plus de plaisir à chaque fois, passant tantôt sur les rails aériennes en U-Bahn, tantôt à pied, tantôt en vélo. C'était autrefois un des sept points de passage entre l'est et l'ouest. Il marque toujours l'entrée d'un quartier différent.

La tour de la télévision d’Alexander Platz auquel j’ai à peine pris garde deviendra aussi la complice préférée de mes balades.

Ce jour-là, je continue à pied jusqu’à chez moi, sous la pluie, presque sans rien voir. Les rues sont immenses, bordées d’arbres, désertes ou presque… Je cherche sans le trouver le « quartier turc ».

3ème jour

Je repasse le pont, avec Satya, il m’emmène – c’est son quartier, c’est sa ville…Il la connaît "par coeur" dans tous les sens du terme précis-t-il. Aujourd’hui il y a du soleil. Nous déjeunons à une terrasse, celle du restau où il travaille. Je me fais piquer la langue par une abeille qui se noyait au fond de ma bière. La langue un peu gonflée, je bave dès que je veux dire un mot ! Il me fait visiter son immeuble, avec sa cour-jardin caché derrière.

Non, ce n'est pas du tout l'immeuble de Satya, celui-ci est à Kreutzberg

et celui-là à Prenslauberg

Le chat est quelque part par là mais il ne se montre pas. Derrière chaque porte sont cachés de semblables arrières cours me dit Satya. Plus ou moins aménagées, plus ou moins grandes, plus ou moins bordéliques, mais toujours partagées et vivantes. On y fait la fête, on y pique nique, on y prend le soleil... Certains immeubles sont couverts de graphes et de dessins.

celui-ci par exemple, est près de chez lui

Des friches prospèrent ici et là. Nous rejoignons la Karl Marx Allee. Le paysage change compètement. Une très large avenue permettant les défilés et les parades militaires ! Des kilomètres d'immeubles de prestige destinés aux meilleurs éléments du parti, aux ouvriers les mieux classés. Au total, une vraie réussite! Nous nous séparons. Je continue à pied vers Alexanderplatz. Je fais une pose à mi-chemin. Combien de kiloèmètres exactement ? En arrivant sur l'Alex, je tombe sur une boutique humanitaire de vêtements seconde main, j ’achète un tee shirt noir. Je suis ravie, épuisée, je monte dans le premier tram qui passe, nous longeons une église dont le nom m'échappe, et nous arrivons derrière Hackescher Market dont les arcades m’éblouissent.

les arcades du Ubahn à Hackescher Market

 

voilà, vous les voyez mieux là!

 

Je descends du tram, quelques étals de marché achèvent de donner un caractère très vivant à cette place. Je serai déçue la prochaine fois par le caractère surfait du lieu, malgré l'intérêt des cours intérieures, sortes de labyrinthe reliant les immeubles – trop commerciales elles aussi.

4ème jour

J'ai rendez-vous avec Elise à Unter den linden.

Elle m’emmène d'abord à l’ambassade rencontrer Micheline  Bouchez responsable du Bureau des livres. Puis nous nous baladons. Elle me fait découvrir le Volksbuehne (théâtre du peuple) RosaLuxemburgplatz, et la roue à pattes qui lui sert de logo, sculpté en bois sur la pelouse devant le théâtre. Elle me fait remarquer aussi les trois lettres OST, en néon bleu sur le toit. J'aime aussitôt la présence massive, résistante de ce théâtre aux formes lourdes et rondes.

Première rencontre avec Patrick, le libraire (librairie Zadig, linienstrasse). Incontournable, avec sa fine silhouette de titi parisien (ou berlinois) et sa casquette! Sa librairie est le rendez-vous de tous les Français de Berlin.

Elle m'emmène ensuite au Tacheles (ce nom là aussi il me faudra longtemps pour le retenir !) qu'elle connaît bien pour avoir faire un mémoire sur le sujet. Elle me laisse le découvrir. C'est un choc visuel  suivi assez vite d’une certaine déception. Comme un mannequin dans une vitrine, qu’on ne croit vivant qu’une très courte seconde. «Tacheles » un porche très haut, très épais, une épaisse façade de pierres noircies, contrastant violemment avec l'immeuble mitoyen, tout de verre. Les escaliers couverts de grafittis, d’affiches qui paraissent dater d'il y a vingt ans. Seul l'atelier de sculpture dans la cour semble encore actif, mais peu innovant.

Nous avons traversé l ’île aux Musées, nous sommes passées devant l’université Humboldt, nous nous sommes arrêtées devant le Staatsoper, sur la plaque vitrée sous laquelle il n’y a rien, plus rien des livres qui furent brûlés là en mai 33, plus rien que le souvenir matérialisé par ce vide.

Je suis restée longtemps devant la Schlossplatz où se dresse encore, plus pour très longtemps, ce qui reste de la carcasse du Palais de la République désamianté dont Elise me racontait l'histoire.

 

Quel dommage d'acherver la démolition de ce monumental vestige de lest pour le remplacer par une église en carton pâte semblable à l'autre, quand le contraste est si fort des deux constructions

J'ai vu le Rotes Rathaus – grand hôtel de ville en briques rouges. Et de loin les statues d'Engels et Marx qui n'ont pas été déchus de leur socle.

Nous sommes passés aussi devant la Neue Wache – sorte de lourde pieta portant sur ses genoux le soldat mort – son enfant.  Je ne l’ai aimée que plus tard, après avoir découvert l’œuvre de Kathe Kollwitz dans un petit musée près de l’Institut français, la place qui porte son nom à Prenzlauberg.

Nous sommes passés devant la synagogue, son dôme doré, magnifique, il y avait un tapis rouge sur le trottoir, et des policiers.

Il fait encore grand soleil quand je rentre chez moi. Je m'installe avec un livre sur le balcon.

5ème jour

Rendez vous avec Margaux à Eberswalderstrasse.

Balade dans Prenzlauberg... Les noms propres ont des corps que je mâche et mange avec délices !

Ce quartier, abandonné quand il était à l'Est, refuge de tous les alternatifs, artistes non officiels du régime etc, est devenu le haut lieu d'une bohème aisée, et il se vante d'avoir le plus haut taux de natalité de l'Europe! Il est en tout cas très vivant, plein de boutiques, de cafés, de terrasses, de brocante, de fripes, et de jeunes comme Nadira Husain (dont je vous conseille d'aller voir l'expo,

 

 

6ème jour

C’est un dimanche. Je vais au marché aux puces à Boxhagener Platz.

Boxhagenerplatz, le marché aux puces est tout autour.

De l’autre côté du fleuve. De l’autre côté du mur. En U bahn, à pied, en tramway… Il y a du monde tout autour de la petite place carrée, sous les arbres, au milieu aussi assis dans l’herbe. Odeur de curry et de wurst (saucisse) Odeur de feuilles et d'herbe écrasée. Odeur de Berlin.

L’après midi en allant chez Katrine, en S Bahn,  je pars dans le mauvais sens et je me perds à l’extérieur du « ring ». Les rues sont encore plus larges. De vrais parcs entourent des maisons invisibles. Les petits immeubles aussi sont entourés d’arbres et de jardins.

Katrine m'a prêté un vélo! Le vélo est un élément capital de la vie berlinoise! Je rentre de Konstanzer à Mittenwalder par de grandes rues bordées de pistes cyclables et d'arbres. Six ou sept kilomètres, pas de côtes; le vélo roule tout seul et moi dessus, trop heureuse!

Le soir Satya vient dîner chez moi. Je commence à m'installer vraiment....

7ème jour…

Je passe la journée à la maison, lectures, écritures…

Le soir je vais voir boire un verre au Visite ma tente, (bonne adresse: christenstrasse 14 – U Bahn Senefelderstrasse ) Je me gargarise de ces noms étranges et étrangers. Musique d’ambiance, lumière douce, fauteuils cosy, terrasse, petite et grande assiette de fromages ou de charcuterie, vins, bières, cocktails, jolies serveuses…

J’apprivoise la nuit. Elle est noire et douce, pénétrante. Les arbres sont noyés dans son obscur. Les réverbères sont modestes.

Je goûterai à chaque fois le délice de ces nuits berlinoises qui laissent sa place à l'obscurité. Marcher dans Berlin la nuit c'est traverser chaque fois l'immensité du monde.

8ème jour …

Des amis m’emmènent dans une pâtisserie palestinienne au-delà d’Hertmannplatz. Ici comme chez moi à la Goutte d'or, c’est le Ramadan. Nous traînons entre les étals du marché turc. C’est déjà la deuxième fois que j’y vais. Odeurs de coriandre et de menthe. Barquettes de framboises. Pampelones du Vietnam.

 

Les terrasses d’un côté et de l’autre du canal sont pleines. Berlin est assez grand pour multiplier les balcons qui donnent sur des parcs, des cimetières, des squares, sur la rivière ou le canal. Berlin est plein de balcons, plein de balcons fleuris. Au pied des maisons aussi, il y a des arbres, des mauvaises herbes, des plantations.

Rose, comme partout, le ciel teinté par le soleil couchant.
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De mon balcon...

Un mois plus tard.

J'ai parcouru la ville du nord au sud. Je suis allée jusqu’à Wannsee où il fait si bon se baigner en été. J’ai longuement marché dans la forêt au bord du lac à Schlatensee.


J’ai fait le tour de la ville dans le ring (le S bahn) aérien et j’ai vu des petites maisons, jardins ou caravanes cachées entre les voies ferrées dans un fouillis de végétation, des rues que je n'ai jamais retrouvées à pied.

J'ai vu des arbres partout, encore verts, d’autres que l’automne enflammait eor, en soufre, en carmin en safran, en rouille, en orangé...

remarquer dans les vitres le reflet des arbres qui bordent la voie et l'inviation à mettre son vélo dans le wagon

J’ai passé beaucoup de temps à rouler en vélo entre Kreuzberg et Prenzlauerberg, le long de la Spree, de l’Institut français sur la Kufurstendamm aux puces de Boxhaggener Platz, du marché turc au Mauer Center ou à la Brechthaus,  beaucoup de temps à lire et à tenter d’écrire une histoire d’amour entre l’Est et l’Ouest dans les années 70. Beaucoup de temps à apprendre une vingtaine de mots, à me familiariser avec les lieux et leur nom, à découvrir ce que tout le monde sait, ici, à propos du Mur par exemple, et que je ne savais pas…

J'ai longé la Bernauerstrasse, dont les immeubles étaient murés pour éviter les fuites. Je suis allée aux puces de Mauerpark, puis prendre un brunch au Morgenrot avec une amie (prix à fixer par le client entre 4 et 8 euros selon sa consommation et sa fortune!)

J’ai découvert qu’on n’était pas si content, à l’Est, que le mur soit tombé. On a compté les morts du Mur, ceux qui avaient tenté de passer par dessous, par dessus, de le forcer. On n'a pas compté ceux, nombreux, qui n'ont pas survécu à sa chute, artistes, chômeurs, hommes et femmes réduits à la misère, expulsés des vieux immeubles abandonnés où ils avaient trouvés refuge, femmes seules privées de crèches pour les enfants, donc de possibilités de travailler. On a beaucoup parlé des trahisons révélées par les dossiers grand ouverts de la Stasi, mais on n'a rien dit du désespoir de tous ceux qui luttaient de l'intérieur pour "une troisième voie", à voir disparaître tous les acquis de la RDA. De la fermeture des maisons de la culture, et de toutes les structures d'encadrement culturel et artistique, du vide et du désarroi qui s'en est suivi, de la flambée des prix et de la pauvreté consécutive, d'autant plus insupportable que rien ne la sépare de l'abondance que la barrière invisible de l'argent qu'on n'a pas...

J'ai photographié à travers la vitre la cour jouxtant le café-restaurant, une cour berlinoise typique!

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J'ai partagé le dîner des habitants d'un immeuble collectif, à Kastanienallee. La meilleure soupe de légumes que j'ai jamais mangée, préparée par Björn dans un énorme faitout, une gigantesque poélée de légumes (prévoir plus ou moins 26 personnes à chaque repas !). Ils disposent aussi d'un cinéma au pied de leur immeuble, petite salle d'art et d'essai semi-publique... A tour de rôle par trois ils assurent les repas, l'animation de la salle ou la gestion d'un projet de fête ou de film ou de... Inimaginable en France!

Un mois plus tard

Le mois d'octobre est passé si vite. Rencontres passionnées et passionnantes à l'école élementaire de Judith-Kerr-Grundschule, à la Sophie scholl Schule, à l'Université de Postdam, lectures au château de Genshagen, à la librairie Zadig et à la galerie de SavignyPlatz. Un aller-retour de trois jours dans la Somme pour le Salon de Vignacourt que par amitié, je ne pouvais pas manquer. Mon sac de voyage oublié au restaurant à Munich après une soirée animée autour de la littérature jeunesse...

Avec le changement d’heure qui a eu lieu le week end dernier, la nuit tombe désormais à 5h, 5H et demi, et les jours vont continuer à diminuer pendant deux mois. Hiver et été ont alternésd'un jour à l'autre durant ces deux mois, avec plus d'été que d'hiver!

Tu pars au bon moment me dit-on, même si hier encore nous avons traversé un bois illuminé de rouille et d’or, une forêt flamboyante sur le route de Postdam. Même si partout des tapis parfumés de feuilles mordorées jaune soufre ou rouge sang séché recouvrent les trottoirs et les chemins.

Une dernière pensée pour le passage à niveau où nous avons attendu que passe le train de Dresde, dans une nuit sans âge, à l'Est de Berlin, du côté de Blankenfelde, et pour ceux et celles qui se réunissent une fois par semaine autour d'Ina pour deux heures de "conversation française" dans une salle du collège déserté pour la nuit.

Pour le "salon littéraire" qu'Alain Jadot réunit chez lui, à dates variables, en tout petit comité choisi, selon la meilleure tradition !

Pour le Café Bleibtreu, près de Savignyplatz, où l'on rêve de revenir lire une heure tous les jours, à la lumière de la bouie qui clignote sur les tables, en attendant le gfondateur de la revue Park, par exemple!

Pour le Sybille cafe, haut-lieu de la RDA, où boire un café le long de la Karl Marx allee....

Quand on aime il faut partir, alors je pars.

un merci particulier à Katrine pour son vélo sans lequel je n'aurais pas découvert le même Berlin

Merci à tous ceux qui durant ces deux mois – à titre personnel ou professionnel - m’ont accueillie avec tant d’amitié.

Merci Elise, Katrine , Satya, Nadira, Margaux

Merci à ceux que j’ai croisés, le temps d’un café, d’une soupe, d’un repas, ici et là à travers la ville. Patrick Le libraire et sa femme Myriam, Alain Jadot, et son délicieux salon littéraire, Amélia et Tony et leur petit Milan, Anuya et Amaury et leur petit Marius, Lucie Land et son saxo, Petra, Geoff, Mikael Speier et sa revue Park, Björn et ses amis, Françoise Doussin, Isabelle Nicolas et leurs élèves, Dominique, Micheline Bouchez, Alain Lance, Frédérik, Ina et ses élèves de conversation française …

Quitter Berlin c'est vous quitter, c'est quitter une vie devenue mienne. C'est mourir un peu.

Merci à Françoise et Marie-Claire, à Anne, à Sylvie,Manue et leurs merveilleux fous-rires, venues de France pour quelques jours et qui m’ont donné à partager un musée, une marche dans la ville, un restaurant. A Anne köhler dont j'ai tant aimé habiter l'appartement, au milieu de ses livres, de ses plantes, apprécie de boire et manger dans ses belles tasses et assiettes.

Pour accompagner mon voyage de retour, Elise a choisi Retour à Berlin, un très beau livre de Jean-Michel Palmier, grand amoureux d'un Berlin mythique et nocturne dont il m'entrouvre la porte. Merci à la fondation Genshagen grâce à qui mon prochain voyage à Berlin sera un retour!

Berlin-Paris septembre novembre 2008

 


 
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